Un visage avec des yeux qui se révulsent et qui louchent et une langue qui pend ? Vous avez très probablement déjà vu cette grimace représentée quelque part. C’est l’aehago ou ahe-gao, une expression faciale directement venue du Japon et ses riches sous-cultures parfois décalées et colorées. La culture japonaise s’est en effet introduite dans nos propres cultures et les influence parfois. Le cinéma, la bande dessinée, les dessins animés et les jeux vidéo nippons sont des références culturelles mondiales aujourd’hui. L’usage de la grimace ahegao est très répandu chez les amateurs de culture japonaise et s’étend de plus en plus en dehors du milieu, mais cette grimace et sa représentation ne sont pas si récentes que la plupart des gens peuvent le penser. Nous vous invitons à en apprendre plus dans cet article.
Qu’est-ce que « ahegao » ?
Tout d’abord, qu’est-ce que c’est ?
« L’ahegao » ou « ahegao face » est une expression faciale exagérée. Dessinée ou même photographiée, elle n’est pas véritablement figurative. En effet, elle est caractérisée par des yeux qui louchent vers le haut et une langue bien tirée. Ce n’est donc pas une expression très naturelle (ou du moins, elle n’est pas souvent naturelle). L’utilisation de l’ahegao est censée représenter la manifestation d’un plaisir intense ou d’un désir immense, généralement chez une femme ou un personnage féminin. Ayant expressément et volontairement une connotation sexuelle et érotique à ses tout premiers débuts, l’ahegao s’est cependant étendu à une utilisation plus banale et générale aujourd’hui en se voulant être une représentation décalée et kawaii (mignonne).
L’origine de l’ahegao
Il est difficile de dater précisément son origine, mais on trouve des prémices de l’ahegao dans les années 80, notamment dans un manga particulier, Shōjo Tsubaki (en français La Jeune Fille aux Camélias), mélangeant fable surréaliste, ero guro (érotisme grotesque) et horreur et dans lequel une jeune orpheline de 12 ans est représentée en train d’être sexuellement abusée. Puis, on commence à trouver ce terme dans les magazines X des années 90 dans les descriptions de certaines photos de femmes asiatiques adoptant l’expression faciale. Ensuite, à partir des années 2000, l’action commence à se généraliser dans les hentais (mangas et animes érotiques ou pornographiques) pour décrire l’attitude d’un visage féminin adoptant involontairement les caractéristiques de la grimace lors de scènes d’orgasmes. Le terme devient alors un tag porno, non seulement dans le manga et l’anime, mais également en photographie et cinématographie.
On le retrouve aujourd’hui partout dans la culture manga
En 2008 sort la première anthologie hentai de l’ahegao, qui le popularise chez les amateurs de ce genre artistique. Il est massivement représenté dans les hentais jusqu’à maintenant. Il s’étend ensuite progressivement à l’ensemble des animes et mangas, adopté par de très nombreux mangakas (auteurs) pour représenter l’expression d’une forte excitation ou celle d’un désir face à son objet, indistinctement sexuelle ou non, en faisant un clin d’œil à ses origines.
Aujourd’hui, l’ahegao est un mème très populaire
Aujourd’hui, l’aehago dépasse le contexte de sa fonction originelle (qui existe toujours évidemment). Il sert actuellement de mème parodique au quotidien pour les internautes ou de grimace kawaii. Il se retrouve couramment sur les réseaux sociaux et fait partie de la culture populaire sous l’influence de la sous-culture érotique japonaise. On trouve ainsi sur Internet de nombreux mèmes images, gifs et vidéos d’yeux révulsés et de langue pendue, qui illustrent le plaisir, l’excitation ou le désir de la personne qui utilise le mème, adulte comme non-adulte. Il bénéficie d’un effet trendy qui le rend tendance et sympathique.
L’ahegao, un fonds de commerce, surtout sur les réseaux sociaux
Surfant sur cet effet de mode, des personnes et des entreprises se servent de l’ahegao pour gagner de l’argent ou pour faire de la communication. Dans l’industrie du X, des actrices sont parfois obligées par le scénario à effectuer un ahegao. Aussi, on retrouve sur YouTube, Instagram, TikTok, Facebook, OnlyFans et autres réseaux sociaux des femmes (et rarement quelques hommes) utiliser l’ahegao pour aider à populariser et monnayer leurs chaînes et leurs profils ainsi que pour leur donner un côté sympa, tendance, humoristique, mignon ou coquin. On peut citer en particulier Belle Delphine, une star décalée du Web et des réseaux, qui met en scène très fréquemment des ahegaos dans ses vidéos et qui en fait son image de marque. On trouve aussi des ahegaos par exemple en motifs de vêtements et sur divers objets du quotidien.
D’où vient le mot « ahegao » ?
Son étymologie
Le terme vient du japonais « aheahe », une onomatopée pour représenter des gémissements et de « gao » qui signifie visage. Littéralement, « ahegao » voudrait donc signifier « gémissements du visage » ou « visage gémissant ».
La culture du fétichisme des filles asiatiques
Comme son étymologie le suggère, « ahegao » a une connotation sous-entendue sexuelle. C’est un mot qui est le produit d’un fantasme culturel subversif fétichiste masculin sur le stéréotype de la fille asiatique soumise, voire violée et qui, trahie par son corps, finit par prendre plaisir et avoir un orgasme et perdre le contrôle de son corps, dont son visage qui se retrouve déformé par l’ahegao.
L’ahegao dans les mangas et animes
L’ahegao dans les hentais
L’ahegao a commencé à véritablement se faire connaître en premier dans les hentais. L’exagération intrinsèque à cette expression du visage va de pair avec l’exagération des actes et des corps dessinés dans ces bandes dessinées et dessins animés pour adultes, donc d’une certaine manière l’aehago s’est lui-même créé dans le hentai. On y trouve en effet presque toujours des formats de corps et d’actes exagérés, ainsi que le thème récurrent de la domination sexuelle de l’homme hyper viril sur la jeune femme hyper pulpeuse aux gros seins et qui finit toujours par faire un ahegao lors d’un orgasme violent.
L’aehago dans les mangas et animes aujourd’hui
Dans les mangas et animes mainstream, l’ahegao le plus souvent sert simplement à décrire une forte excitation ou un plaisir intense du personnage ou parfois un désir soudain ou une admiration, quelles que soient leur nature et origine. Dans ce cas, c’est donc plutôt une expression faciale de l’ordre du kawaii pour exprimer l’enthousiasme et la satisfaction effrénés du personnage. Cependant, il peut quand même être ponctuellement utilisé en référence à sa représentation dans les hentais.
L’ahegao ailleurs que dans les mangas et animes
De la même façon qu’il est passé dans le manga et l’anime grand public, l’aehago s’est mis à apparaître dans les réseaux sociaux et les forums sous forme de mèmes humoristiques et de vidéos courtes pour exprimer un contentement ou alors pour rien, juste pour le plaisir d’en afficher un, voire d’en faire, parce que c’est à la mode. Par ailleurs, il sert aussi de motifs décoratifs pour les amateurs de culture japonaise.
La polémique de l’ahegao
Son origine est en effet clairement pornographique, sexiste et raciste et c’est justement ce qui crée la polémique. Ses détracteurs lui reprochent de banaliser, voire faire l’apologie de :
- l’instrumentalisation de la femme ou adolescente asiatique ;
- la soumission féminine ;
- la manipulation de la femme ;
- le viol.
Pour ses adeptes, la polémique n’a pas lieu d’être, car l’ahegao s’intègre maintenant à la culture populaire des jeunes et on le retrouve partout, à des fins humoristiques, illustratives et décoratives ainsi qu’en signe de reconnaissance ottaku.